Ar Sonerien Du :

e-touez ar gwellañ strolladoù festoù-noz e-pad an daou-ugent bloavezhioù tremenet ! / Ar Sonerien Du : parmi les meilleurs groupes de fest-noz de ces quarante dernières années ! (bilingue)

« Amstrong, je ne suis pas noir, je suis blanc de peau

Quand on veut chanter l’espoir, quel manque de pot »

chantait Nougaro. Et bien … aucun rapport avec le nom de ce groupe breton mythique . En effet …

    Ar Sonerien Du (1): setu aze ur strollad sonerien mil vrudet ma ’zo unan e Breizh a-bezh… ha pelloc’h c’hoazh !  War  holl leurennoù ar festoù-noz emaint o seniñ abaoe deroù ar bloavezhioù 1970, o rein ar startijenn d’an holl a zañserien  betek dibenn an noz !
 
    Gant piv eo bet savet ar strollad-mañ ? Gant paotred yaouank a Vro Vigouden, un nerzh-youl dreist gante holl : ur sapre tro-spered hag e vez gwelet alies e-touez tud ar vro-mañ ! Deltu e ranker kaout e gwirionez evit bezañ kad da « lakaat an tan » er festoù-noz, evit plijadur miliadoù a zañserien.   Hag un entan bras-divent ivez evit ar sonerezh hengounel, a-benn padout evel-se ha derc’hel an dastalm, al lusk, e-pad bloavezhioù ha bloavezhioù, hep bezañ james faezhet !
 
    Met eus pelec’h e teu an anv-se, Ar Sonerien Du ? N’eo ket bet choazet  an anv-se dre zegouezh gant sonerien ar strollad. Unan ar saverien, Yann Kaourintin ar Gall, hag a oa ur soner brudet-tre, en doa graet enklaskoù gwechall diwar-benn sonerien, a oa anvet…ar « Sonerien Du » ! Setu an anv-se lakaet d’ar strollad e koun anezhe. El levr Serj Duigou ha Jean-Michel Le Boulanger : istor ar Vro Vigouden, e c’heller gouzout ivez diwar-benn o istor.
 
 
      Istor ar « Sonerien Du » :
 
     E Ploveur emaomp, ur gumun etre Pont-’n-Abad ha Penmarc’h, e 1786. E-pad an noz etre ar 25 hag ar 26 a viz C’hwevrer e oa bet graet ul laeroñsi vras diwar-goust Michel Tanav a oa o terc’hel menaj e Goasven. Mantret e voe an ozac’h o welet ar pezh riñs graet e-barzh e di. Pep tra a oa bet laeret: porpantoù, jiletennoù, bragoù, goueledennoù, brozhioù, tavañjeroù, rochedoù, bonedoù, botoù… Betek ar boued : kig-sal, bloneg, fars, kouignoù. Ha n’eo ket tout ! Laeret e oa bet ivez kudennadoù kanab, liñselioù… ha 1 200 lur arc’hant !
 
    An deiz war-lerc’h, diouzh ar beure, goude an oferenn-bred e iliz Itron- Varia-Garmez e Pont-’n-Abad e oa aet buan ar c’heleier en-dro  e-touez an dud. En holl e vezas nav den, nav den harzet gant an archerien, diskredet an holl anezhe war bezañ bet kemeret perzh el laeroñsi. E-touez anezhe e oa daou soner dichañsus,  bet kavet dre zegouezh o tistanañ en un touflez bennak, war distro ur gouel eured e-lec’h ma oant bet o kas an dañsoù en-dro e-pad tri devezh (2). Unan eus an daou soner a oa anavezet mat er vro : Pierre Canevet a oa graet anezhañ, devezhour diouzh e vicher, o chom e Lanvourc’h, en tu all da stêr Pont-’n-Abad, ur c’harter hag a oa paour ha gwallvrudet d’ar mare-se.
 
    Netra a broue e oa bet an daou soner-mañ da vezañ bet o kemer perzh el laeroñsi. Barnet e voent  koulskoude gant ar re all  ha kondaonet da vezañ krouget. Tri den kondaonet a zeuas a-benn da ziflipañ. Lavaret e oa diwar o fenn e oant an ambilherien. Eus Loktudi e oa an tri den-se, ha kaer e oe klask war o lec’h, ne voent james adkavet. D’ar c’hentañ a viz Mezheven 1786 e voe krouget ar c’hwec’h paotr all, en o zouez an daou soner paour.
 
    Goude bezañ bet krouget e voe diskouezet o c’horfoù er « justisoù » (3) e-pad un toullad devezhioù, evel ma oa ar c’hiz d’ar mare-se. Hag evel-se e teuas an daou soner paour, ken paour hag e oant atav gwisket e du (4), da vezañ tudennoù mojennel. En desped dezhe e teujont da vezañ arouez an direizhed: setu aze daou soner, tud gwelet fall gant bourc’hizien Pont-’n-Abad ha gant an Iliz, daou zen eus ur c’harter paour eus Lanvourc’h (5), tra ma oa deuet an tri den eus Loktudi da ziflipañ !
 
   Evel-se e teuas al lec’h anvet ar Justisoù da vezañ ul lec’h a birc’hinaj, ha maouezed ar vro a gemeras ar voazamant da vont da deurel tammoù  asiedoù bet torret gante, a oa graet « bravigoù » deus oute, ha d’ober hetoù. el  lec’h e oa bet sebeliet korfoù an daou soner (6).
 
    El lec’h e voent krouget a zo bet savet bremañ ur maen-sonn du, bet  engravet warnañ patrom an daou soner, gant ar setañs :
 
           Dalc’h soñj d’ar Sonerien Du
 






Les Sonerien Du (1) : voilà, s’il en est un, un groupe de musiciens ô combien célèbre dans toute la Bretagne… et même au-delà ! Ils sont présents sur toutes les scènes de fest-noz depuis le début des années 1970, communiquant leur énergie aux danseurs jusqu’au bout de la nuit ! 
   Qui furent les fondateurs de ce groupe ? De jeunes gars du Pays Bigouden, tous débordant d’une folle énergie : un sacré tempérament que l’on rencontre souvent chez les habitants de ce pays ! Du tonus, il fallait en avoir en effet pour « mettre le feu » dans les fest-noz, pour le plaisir de milliers de danseurs. Et aussi une grande passion pour la musique traditionnelle. ce qui leur a permis de durer et de tenir le rythme, la cadence, pendant des années et des années sans être lassés ! 
    Mais d’où vient ce nom de Sonerien Du (Les « Sonneurs Noirs ») ? Ce nom n’a pas été choisi au hasard par les musiciens du groupe. L’un d’eux,  Yann Corentin Le Gall, qui fut l’un des fondateurs, avait fait en son temps des recherches au sujet de sonneurs qui s’appelaient…les « Sonerien Du » et avait ainsi appelé le groupe en leur mémoire. On peut trouver aussi leur histoire dans le livre de Serge Duigou et de Jean-Michel Le Boulanger : histoire du Pays Bigouden. 
 
     L’histoire des « Sonerien Du » :
 
    Nous sommes en 1786  à Plomeur, une commune entre Pont-L’Abbé et Penmarc’h. Un vol d’importance avait été commis dans la nuit du 25 au 26 février, aux dépens de Michel Tanav qui tenait une ferme au Goasven. Le propriétaire fut consterné en voyant le pillage de sa maison. Tout avait été volé : vestes, gilets, braies, jupes, robes, tabliers, chemises, bonnets, sabots… Jusqu’à la nourriture : lard, saindoux, far, gâteaux. Et ce n’est pas tout ! On avait aussi volé des écheveaux de chanvre, des draps… et 1 200 livres en argent !
 
    Le lendemain matin, après la basse-messe en l’église de Notre-Dame- des-Carmes à Pont-L’Abbé, les nouvelles allèrent bon train parmi les gens du pays. En tout, neuf personnes furent arrêtées par les gendarmes, toutes suspectées d’avoir pris part au larcin. Parmi elles, deux sonneurs malchanceux que l’on trouva par hasard en train de cuver dans un fossé, au retour d’une noce qu’ils avaient animée durant trois jours d’affilée (2). L’un d’eux était connu dans le pays sous le nom de Pierre Canevet, journalier de son état, et qui habitait à Lambour, de l’autre côté de la rivière de Pont-L’Abbé, un secteur qui était à l’époque pauvre et mal famé.
 
   Rien ne prouvait que les deux sonneurs avaient pris part au vol. Ils furent pourtant jugés avec les autres comparses et condamnés à la pendaison. Trois parvinrent à s’échapper : on a dit que ces derniers auraient été les meneurs. Ils étaient originaires de Loctudy et on eut beau les rechercher, jamais on ne les retrouva. Le premier du mois de juin 1786, les six autres furent pendus, et parmi eux les deux pauvres sonneurs.
 
    Après avoir été pendus, leurs corps furent exposés durant quelques jours aux « fourches patibulaires » (3), comme  c’était la coutume à l’époque. Et c’est ainsi que nos deux sonneurs, si pauvres qu’ils étaient toujours vêtus de noir (4), devinrent des personnages de légende.  Ils devinrent malgré eux le symbole de l’injustice : voilà deux sonneurs, mal vus par la bourgeoisie de Pont-L’Abbé et par l’Église, originaires d’un quartier misérable de Lambour (5), pendant que les trois gars de Loctudy avaient eux réussi à se faire la malle.
 
   Le lieu-dit Les Justices devint alors un lieu de pèlerinage et des femmes prirent l’habitude de jeter des morceaux d’assiettes qui avaient été cassées, et qu’on appelait « bravigoù » (littéralement: “de belles petites choses”) et
de formuler des voeux là où avaient été ensevelis les corps des deux sonneurs (6).
 
    A l’endroit où ils furent pendus, on a érigé aujourd’hui une pierre levée de schiste noir  sur laquelle ont été gravées leurs effigies avec l’inscription suivante : 
          ” Dalc’h soñj d’ar  Sonerien Du

(“Souviens toi des Sonerien Du”)

 YK   – miz Mezheven 2022 / Juin 2022

Sources :

  – article d’Hervé Gouédard intitulé “Ar Sonerien Du. Etre ar vojenn hag an istor “paru dans le journal « YA ! » – décembre  2021

  – Internet en particulier le site Wikipédia dédié à ce groupe des Sonérien Du (voir ici)

Annexes

(1) Les Sonerien Du : Ce groupe, sans doute l’un des plus connus de Bretagne, a été créé en 1972 par des membres du cercle celtique de Pont-L’Abbé, capitale du pays bigouden. Très vite ce groupe, grand animateur de fest-noz, est devenu célèbre tant à l’étranger qu’en Bretagne avec d’énormes tournées à travers toute l’Europe et même la Chine.

     Au fil du temps la composition du groupe a changé, sa musique a évolué comme en témoigne leur discographie impressionnante (25 albums à ce jour !) mais le succès est toujours au rendez-vous et l’accueil des danseurs toujours enthousiaste. 

(2) Nos deux sonneurs avaient l’habitude d’animer les mariages et autres fêtes. Ils ne demandaient aucun salaire mais seulement à boire et à manger. Jamais fatigués, leurs prestations étaient interminables et les noces ne se terminaient que lorsque la musique s’arrêtait …

(3) Les « fourches patibulaires » : du latin patibulum : potence, croix, perche. Ces édifices, inspirés des fourches utilisées par les Romains pour châtier les esclaves, sont  apparus en Touraine au début du XIIème siècle. Ils étaient constitués de deux colonnes de pierres (ou plus selon le rang du personnage rendant la justice, de 2 pour un simple châtelain à 8 pour un grand duc) sur lesquelles reposaient des traverses de bois horizontales. Placées généralement en hauteur et bien en vue du principal chemin public, ils permettaient d’exposer les dépouilles des condamnés à mort à la vue des passants ,,, et à l’appétit des corbeaux. 

Une vingtaine de fourches patibulaires sont encore visibles en France dont cinq en Bretagne.

      (4)  A cette époque, la richesse de gens se mesurait à l’importance des broderies sur leurs costumes. On dit que c’est le tailleur, se déplaçant de ferme en ferme et étant de ce fait bien au courant de la fortune des uns et des autres, qui « suggérait » l’enrichissement acceptable des corsets, jupes, jiletenn ou chupen. A contrario, les gens vêtus que de noir étaient donc considérés comme les plus pauvres.

(5) Au XVIIème siècle, les habitants de Lambour (qui est un faubourg de Pont-L’Abbé, situé sur la paroisse de Combrit) participèrent à la Révolte des Bonnets rouges. En représailles, le clocher de l’église Saint-Jacques fut décapité (flèche et tourelles) par les troupes royales avec interdiction de le rebâtir. Il ne fut jamais reconstruit depuis et reste comme un témoin de cet acte de domination du pouvoir français sur le peuple breton. Peu  de gens ignorent cet épisode de la “belle histoire de France”.

     (6) II faut savoir aussi que la peste sévissait dans le secteur à cette époque. Le bruit courrait que le fait de toucher le corps d’un des  deux sonneurs pendant le temps où ils avaient été exposés permettait de s’immuniser contre ce terrible fléau…