Histoire de Bretagne : la découverte ou l’ignorance (suite de l’épisode 2)

             Le chapitre précédent ( Histoire de Bretagne : de la Bretagne souveraine à l’emprise anglaise) s’est achevé sur l’assassinat du jeune duc Arthur Ier par son oncle Jean sans Terre et la reconquête par Philippe-Auguste de toutes les possessions continentales de roi d’Angleterre. La Bretagne qui pleure son jeune souverain se croit ainsi vengée mais…

Du début du XIII ème siècle au milieu du XIV ème siècle, ce n’est que lutte pour le pouvoir . Dans ce nouvel article. c’est bien ce que nous décrit l’auteur au travers de l’évocation de ducs au fort caractère (Arbre généalogique en fin d’article)

. ( NB : le résumé, présenté à la fin de l’article, est lui en breton … et en français).

Episode 3 De l’emprise capétienne à la guerre de succession.

                 VI – L’emprise capétienne :

VI – 1 Les Capétiens en embuscade :

    Arthur Ier (Arzhur Kentañ) n’est plus. On est maintenant au tout début du XIIIème siècle.

    L’emprise capétienne sur la Bretagne se manifeste désormais de plus en plus. Dès 1199, un signe révélateur a d’ailleurs été la décision prise par le pape Innocent III de supprimer la métropole de Dol, obligeant ainsi la Bretagne à ne dépendre que de la métropole de Tours… L’alliance du sabre et du goupillon, vous connaissez ?

    Constance, la mère d’Arthur, s’est maintenant remariée avec un certain Guy de Thouars. De cette union est née une fille prénommée Alix (Aliz : 1213 – 1221). C’est donc une demi-sœur d’Arthur.

ALIX Duchesse de Bretagne

    Alix est maintenant l’héritière du duché de Bretagne. Et le roi Philippe-Auguste ne tarde pas à imposer, en 1213, le mariage d’Alix avec un prince issu de la famille royale capétienne, son neveu, Pierre de Dreux . Le tour est joué !  Philippe-Auguste va gouverner personnellement la Bretagne de 1203 à 1213, en lieu et place de Constance et de Guy de Thouars, pendant les jeunes années d’Alix. Ce mariage est une manière pour Philippe-Auguste d’assujettir la Bretagne, à défaut… d’oser encore l’annexer !

VI – 2 Pierre de Dreux, premier duc de Bretagne d’origine capétienne :

     Pierre de Dreux devient duc de Bretagne en 1213, sous le nom de Pierre Ier (Pêr Kentañ : 1213 – 1237).

     Il a un sacré tempérament, ce Pierre ! Il va, au départ, gouverner la Bretagne comme s’il avait été de sang breton, en préservant les intérêts du pays, en affirmant l’identité du duché, en imposant son pouvoir et en tenant tête aux seigneurs féodaux de son domaine.

Pierre de Dreux (1187 – 1250)

    Il était d’abord destiné à une carrière ecclésiastique, mais il y renonça bien vite. C’est pour cela qu’on le surnomma « Mauclerc » (« Brizhkloareg ») : « mauvais clerc ». Ce surnom se confirmera par la suite, compte-tenu de ses démêlés avec l’Église, dont il dénoncera les privilèges. Il supprimera notamment le tierçage, taxe ecclésiastique perçue par le clergé breton sur les héritages vacants (!). Il sera, pour cela, excommunié par le pape… Mais mal lui en prendra de s’attaquer aux barons de son duché ainsi qu’à l’Église toute puissante et, surtout, plus tard… à Saint Louis, le roi Louis IX !

VI – 3 Pierre 1er offre les hermines de son blason comme emblèmes à la Bretagne :

    Pierre Mauclerc arrive en Bretagne avec sur son propre blason un « franc quartier d’hermines, hermines qu’il gardera et qui deviendront les emblèmes de la Bretagne. On les retrouve aujourd’hui sur l’actuel drapeau blanc et noir : le « Gwenn-ha-Du ». Il faut rappeler qu’auparavant, le drapeau breton était « Ar Groaz Du » : une croix noire sur fond blanc, le premier drapeau que les Bretons arborèrent lors des premières croisades.

VI – 4 Pierre Ier : un duc au caractère affirmé, mais finalement contraint de « rentrer dans le rang » :

    Citons maintenant Jean-Pierre Le Mat dans son Histoire de Bretagne : « Pierre Mauclerc restera fidèle aux rois Philippe-Auguste et Louis VIII. Mais, pendant la régence de Blanche de Castille, mère du futur Saint Louis, il deviendra un opposant déclaré et se rapprochera du roi anglais Henri III. En janvier 1230, Mauclerc enverra à Louis IX (Saint Louis) une lettre, qui était un véritable défi : Je ne me considère pas comme un vassal du roi de France et je ne lui rends plus hommage (…) ».

    La réaction ne se fait pas attendre. Louis IX entreprend d’envahir la Bretagne, mais il se heurte à la forteresse nouvellement construite à la frontière est du duché :  Saint-Aubin-du-Cormier (dont on parlera plus tard, dans d’autres circonstances…). La guerre reprend trois ans plus tard. Pierre Mauclerc ne peut contenir l’assaut des troupes françaises et doit se soumettre. Il gardera pour autant le droit de gouverner la Bretagne jusqu’à la majorité de son fils Jean Ier le Roux (Yann Kentañ  ar Rouz : 1237 – 1286).

    Il est à signaler que Pierre Ier, tout rebelle qu’il ait été, aura, au cours de son règne, bien servi également les intérêts territoriaux français, ainsi qu’il est rappelé dans l’Histoire de la Bretagne et des pays celtiques (éd. Skol Vreiz), « en participant, dès 1219, à l’expédition contre Toulouse qui, mettant fin à la croisade des Albigeois, aboutira à l’annexion de l’Occitanie par la Francie, et par la même à la naissance de la France ». Pas très glorieux, tout cela !

Sceau de Jean Ier le Roux

    Jean Ier le Roux héritera du fort caractère de son père, tout en étant plus prudent et plus réfléchi dans ses entreprises. Un exemple de son tempérament : de retour des Croisades, et voyant que les banquiers juifs installés à Nantes (qui pratiquaient l’usure et auprès desquels il avait contracté un prêt), lui demandent, en remboursement, des sommes exorbitantes, le duc Jean Ier décida en 1240, d’expulser tous les Juifs de Bretagne…

   Trois souverains se succéderont ensuite, de père en fils : Jean II (Yann II : 1286 – 1305), Arthur II (Arzhur II : 1305-1312) et Jean III (Yann III : 1312 -1341), lesquels régneront sur la Bretagne dans une période de calme et de relative stabilité.

VII – La guerre de succession de Bretagne :

VII – 1 Qui pour succéder au duc Jean III ?

    Nous sommes maintenant au XIVème siècle.

    La Bretagne va traverser une période terrible qui menacera sa survie.   

    Comme souvent dans les familles, la succession est source de problèmes entre les héritiers. Jean III le Bon (Yann III ar Mad : 1312 – 1341), fils d’Arthur II, meurt en 1341, sans héritier direct. Qui pour lui succéder ?

    Jean III a bien une nièce : Jeanne de Penthièvre (Janed Pentevr), mariée à Charles de Blois, un prince français et aussi un demi-frère, un certain Jean de Montfort (Yann Moñforzh), fils également d’Arthur II Tous deux peuvent prétendre au trône de Bretagne (vous suivez ?).

    Mais Jean III ne désigne ni l’un ni l’autre de ces prétendants comme devant lui succéder. Pire ! En 1334, Jean III décide de faire du roi de France son héritier au trône ducal… (ben quoi encore !). Fort heureusement, le Parlement de Bretagne s’oppose fermement et unanimement à ce projet !

    La guerre entre les deux prétendants à la couronne ducale est désormais inévitable. La guerre de succession de Bretagne s’engage. Elle durera 24 ans. Il est trop long d’en décrire ici les multiples péripéties : batailles sanglantes, alliances, trêves, trahisons, pillages se succèdent !

VII – 2 La Bretagne dans la tourmente :

    La Bretagne va se trouver écartelée entre deux partis qui s’opposeront sans cesse :

 d’un côté, le « parti franco-breton » (avec Jeanne de Penthièvre, mariée à Charles de Blois, un prince français), dans lequel on retrouvera l’aventurier et arriviste Du Guesclin,

–  de l’autre, le « parti anglo-breton » (avec Jean de Montfort).

    Finalement, Jean, le fils de Jean de Montfort (qui entre-temps est décédé) remporte près d’Auray une bataille décisive, le 29 septembre 1364. Les troupes franco-bretonnes sont défaites. Charles de Blois est tué et Du Guesclin est capturé. Jeanne de Penthièvre renonce à continuer la lutte, mais garde ses domaines en Bretagne.

VII – 3 Le dénouement :

Guérande

    La paix est finalement signée, le 12 avril 1365, à Guérande, entre le roi de France Charles V et Jean, le fils de Jean de Montfort, qui est reconnu comme duc légitime de Bretagne, en prenant le nom de Jean IV (Yann Pevar 1364-1399).

    La Bretagne sort exsangue et ruinée à l’issue de cette terrible guerre, mais l’unité bretonne est sauve et le patriotisme   renforcé ! La Bretagne a désormais à sa tête un souverain dont les Bretons reconnaissent la légitimité, mais la situation reste fragile…

Sceau de Jean IV

    Le duc Jean IV va-t-il pouvoir gouverner durablement, politiquement et économiquement le duché ? La guerre ne risque-t-elle pas de reprendre ?

Vous le saurez bien sûr dans un prochain article …. et n’hésitez pa à utiliser le formulaire de contact du site pour faire part de vos commentaires.

A bientôt !

A suivre ….

YK – juin 2025 – miz Mezheven 2025

Sources :

– Histoire de Bretagne – Joseph Chardonnet (Ed. Nouvelles éditions latines)

– Histoire de  Bretagne – Jean-Pierre Le Mat (Ed. Yorann-embanner)

– Bretagne : Une histoire – Louis Elégoët (Ed. CRDP de Bretagne)

– Istor Breizh – Louis Elégoët (Ed. TES)

– Histoire de la Bretagne et des pays celtiques (Ed. Skol Vreiz)

– Histoire secrète de la Bretagne – Jean Markale (Ed. Albin Michel)

–  La femme celte – Jean Markale ( Ed. Albin Michel)

–  Histoire de Bretagne – Auguste Dupouy ( Ed. Boivin et Cie)

– Histoire de Bretagne – Yann Brékilien (Ed. France Empire)

Et l’indispensable internet notamment pour tout ce qui est illustrations

En résumé : 

En Français :

— Philippe-Auguste impose le mariage d’Alix, demi-sœur d’Arthur Ier, avec un prince capétien : Pierre de Dreux, dit Mauclerc.

– Pierre est couronné duc de Bretagne sous le nom de Pierre Ier et défend avec détermination les intérêts du duché.

– Pierre Ier apporte, sur son blason, les hermines qui deviendront l’emblème de la Bretagne.

– Ducs successifs : Jean Ier, Jean II, Arthur II, Jean III.

– Jean III n’a pas d’héritier direct. Il propose de faire du roi de France l’héritier au trône de Bretagne. Opposition du parlement !

– Héritiers putatifs : sa nièce, Jeanne de Penthièvre et son demi-frère Jean de Montfort.

– La guerre de succession de Bretagne est inévitable. Elle durera 24 ans.

– Victoire en 1364, à la bataille d’Auray, du fils de Jean de Montfort, qui est couronné sous le nom de Jean IV.

– Signature avec le roi de France Charles V du traité de paix de Guérande, en 1365.

– L’indépendance de la Bretagne est réaffirmée, mais la situation reste fragile.

E brezhoneg :

– Fulup Aogust a redi Aliz, hanterc’hoar Arzhur, da zimeziñ gant ur priñz kapezian : Pêr Dreux, lesanvet Brizhkloareg.

– Pêr a zo kurunet dug Breizh gant an anv Pêr Kentañ. Difenn a ra kreñv  gwirioù an dugelezh.

– Digas a ra Pêr gantañ an erminiged a oa a-orin dija war e skoed, hag a zeuio an erminiged-se   da vezañ  arouez Breizh.

– An duged war-lerc’h : Yann Kentañ, Yann II, Arzhur II, Yann III.

– N’en deus Yann III heritour ebet.  Kinnig a ra da roue ar Frañs heritourezh Breizh. Ar breujoù a zo a-enep !

– An heritourien posupl : e niz, Janed Pentrev hag e hantervreur, Yann Moñforzh.

– Brezel herezh Breizh a zo didec’hus. Pevar bloaz warn-ugent e pado.

– An trec’h a vez gounezet e 1364, da-geñver  emgann An Alre, gant mab Yann Moñforzh  hag a vez hemañ kurunet gant an anv Yann IV.

–  –  Ur feur-skrid peoc’h a zo sinet gant roue Bro-C’hall Charlez V e Gwenrann, e 1365.

– Dizalc’h ar vro a vez touiet adarre, met bresk emañ an traoù./