Messieurs Cadoudal

Portrait of Georges Cadoudal par Boilly, Louis Leopold (1761-1845), Musee Carnavalet,

D’un Cadoudal à l’autre : l’histoire à Georges. la musique à Julien

. Georges Cadoudal

      Le 19 mars 1793, un grand rassemblement se forme  au  Mane–Corohan, sur la hauteur qui domine Auray.  Il  y a là, alertés par les cloches et le ” téléphone” chouan près de 3 000 paysans avec fourches. faux. penn-baz et quelques marins en armes.

Beaucoup se rassemblent autour d’un homme qui les harangue et qui se distingue par un physique  peu commun. Il n’est pas grand,  ( 1.76 m ) mais il dégage une impression de force et de puissance. Les historiens le présentent ainsi : «  une incroyable corpulence, une tête énorme sur un cou de taureau, des épaules larges, des bras d’hercule, de grosses cuisses et des jambes musclées. Son  visage pâle et gracieux, légèrement bouffi est encadré de favoris blonds comme ses cheveux bouclés ».

Ce fils de paysan est né en 1771. Il est l’aîné d’une famille de trois enfants et se fera remarqué très tôt à l’école d’Auray par des aptitudes et des qualités qui le conduiront au collège Saint-Yves de Vannes  où il se signalera en résistant  violemment aux brimades du bizutage. De cette période, il conservera des amis qui deviendront des frères d’armes.

En 1791. Georges Cadoudal quitte Saint-Yves, fermé à la suite des persécutions religieuses. Il se retrouve  alors clerc de notaire à Auray chez maître Glain. Cadoudal partage avec ce dernier les idées nouvelles et l’accompagne au club ou il suit l’évolution des théories révolutionnaires. Très vite, les injustices du présent lui paraissent plus inacceptables que celles du passé.

Le 10 mars 1793, convoqué pour le tirage au sort, il tourne le dos aux recruteurs et s’en va battre la campagne , suscitant des centaines d’adhésions par son appel à la « croisade ». Il conduit une marche sur Auray, mais se heurte à la résistance des bleus ( et à leur canons) qui l’oblige à s’enfoncer dans les chemins creux.

Il prend alors la tête de la chouannerie  en Bretagne sud et réorganise tout le soulèvement morbihannais. Il s’illustrera notamment en réussissant  à dégager ses 3000 hommes poursuivis par les bleus après le débarquement de Quiberon au prix d’une marche forcée de trois jours et trois nuits par des chemins connus de lui seul.

Cadoudal livrera sa dernière bataille au Pont du Loc, le 23 janvier 1800, face au général Harty.

Le 4 février, près de Vannes, Cadoudal rencontre le général Brune et son chef d’état major Debelle. Ce dernier est chargé de proposer  à Cadoudal, de la part du premier consul, un  grade de général de division et un commandement dans l’armée de Moreau . En cas de refus, c’est la tête de Cadoudal que Debelle doit rapporter à Napoléon. Georges Cadoudal, dans un premier temps, refuse mais, après deux heures de discussion avec le général Brune dont on ne sait pas grand chose, il accepte, ou semble accepter, de faire la paix dans le Morbihan.

Le 12 février 1800, au château de Beauregard à Saint-Avé, George Cadoudal et Pierre Mercier signent la soumission et le désarmement des chouans. Cadoudal s’engage à aller à Paris  après la remise des armes. En échange, une amnistie complète est décrétée.

Le 5 mars 1800, Napoléon recevra Georges au palais des Tuileries : «  J’ai vu ce matin Georges, il m’a paru un gros breton dont peut-être il sera possible de tirer parti pour les intérêts de la patrie ». Georges est très déçu de cet entretien, où il n’a pas été reçu selon son rang, et ce, d’autant plus que le traité de Beauregard n’est pas respecté : une loi du 8 mars, imposée par les Tuileries, met à la disposition du gouvernement les conscrits déserteurs.

Echappant à la surveillance de Fouché, Georges parvient à gagner l’Angleterre. Il est accueilli en héros par les émigrés qui le nomment lieutenant général des armées royales de Bretagne. Il revient en France le 6 juin 1800 avec le projet de relancer l’insurrection après l’enlèvement du  premier consul. Tout  cela échoue et Cadoudal est obligé de se réfugier à Jersey.

Il projette alors d’ assassiner Napoléon et fomente un complot avec le général Moreau qui fut un de ses condisciples au collège Saint-Louis de Vannes. Le complot est déjoué, les comploteurs poursuivis et arrêtés.

 Le 9 mars, Cadoudal est  lui même pris après une poursuite rocambolesque. Il sera sera jugé et, ayant refusé de signer son recours en grâce, exécuté le 25 juin avec ses compagnons.

Curieusement, son corps ne fût pas déposé dans la fosse commune mais utilisé à la faculté de médecine de Paris. En 1814, Charles d’Hozier obtint (difficilement) la restitution du squelette et fit construire un mausolée à Kerléano, la propriété familiale des Cadoudal à Auray.      

 

. Julien Cadoudal (d’après le récit de l’historien G Lenôtre)

 

Julien Cadoudal, après avoir combattu aux côtés de son aîné, s’était retiré chez leur père, à Kerléano. Le dimanche 2 février 1801, il y reçut le mari de sa marraine, le père Lemoing, qui habitait la maison voisine de celle des Cadoudal . Ils burent le cidre ensemble et Julien parla sans méfiance. C’était un beau garçon de vingt-trois ans, très apprécié des filles, joyeux compagnon, instruit, délicat poète à ses heures. En le quittant, le soir, Lemoing poussa jusqu’à Auray, se présenta chez le commandant de la place, et lui dénonça la présence de Julien à Kerléano . Le lendemain, des gendarmes arrêtèrent le jeune homme ; on trouva sur lui des papiers compromettants, une bague portant trois fleurs de lys, une croix avec cette inscription : Aimons Dieu, défendons l’autel et le trône. Interrogé par le juge de paix, il proteste que, depuis la pacification, il n’a jamais repris les armes ; à la faveur d’un sauf-conduit signé par le Général Brune, il exploite le petit domaine agricole de son vieux père et ne s’est mêlé à aucun rassemblement.
Il est mis au secret et, dans la crainte que les chouans ne viennent le délivrer, on décide de le conduire à Lorient. Ces ordres de transfèrement équivalaient à un verdict de mort : c’était un moyen fort employé pour se débarrasser d’un suspect que tout tribunal eût acquitté. On prétextait une tentative d’enlèvement, on abattait l’homme : c’était un brigand de moins et un crime de plus qu’on portait à l’actif des royalistes. Ne pouvant prendre Georges, on allait l’atteindre en la personne de son frère…
Le 8 février – un dimanche – il est extrait de la prison ; quarante fantassins et quatorze gendarmes vont lui faire escorte ; on prend la route de Lorient. À une demi-lieue d’Auray, au lieu-dit La Croix de Léaulet, à 3 km de la ville, Julien sera abattu par ses gardiens. Huit soldats gardèrent son cadavre pendant quelques heures, puis l’abandonnèrent sur le bord du chemin où les jeunes filles d’Auray vinrent le recueillir afin de le transporter au hameau de Léaulet, qui est à gauche de la route de Lorient. Le corps attira là, durant deux jours, une foule de pèlerins avides de le contempler ; la mort n’avait pas défiguré le pauvre Julien « et la beauté de ses traits apparaissait encore sur son visage ». Le souvenir de son assassinat est resté bien longtemps vivace dans la région.

De ce drame il fut fait une chanson de marche, puis un air figurant au répertoire de tous les sonneurs de bagadou : Ton bale Kadoudal.